Assis à l’ombre d’un chêne vert centenaire, un sentiment d’harmonie et de plénitude s’installe à l’instant même où je me prête à l’écoute de la nature. Ma disponibilité au chant hypnotique et strident des cigales m’invite simultanément à l’apaisement des pensées et à un éveil des sens.

Leurs modulations agissent comme un baume rafraichissant abaissant soudainement ma température mentale, leur bruit incessant et multi-directionnel sature délicieusement mon esprit et me rend disponible à autre chose de plus grand que mes simples perceptions habituelles.

Une dimension imprégnée de silence, de lenteur, d’immobilité s’ouvre en moi et fait écho à la présence vibrante de la nature.
L’immense beauté de cet instant me saisit, je crois sentir cette Nature vibrer à l’unisson. La même vie circule dans mon corps et dans la nature comme un torrent souterrain unique. Un frisson de plaisir charnel et une joie extatique se bousculent aux portes de mes sens. J’éprouve une gratitude infinie pour ce moment d’éternité et remercie ce quelque chose de plus grand que moi qui se laisse voir au travers de cette infinie harmonie.
En même temps, me viens aussi cette certitude du privilège de goûter à cette délicatesse de la vie qui se refuse à tant d’êtres démunis, en souffrances ou en guerre…je comprends que « rien n’efface le réel mais la joie est néanmoins possible ».

Mes sens s’aiguisent et s’affinent; j’accueille et laisse entrer ces harmoniques en tentant de réduire mes résistances; elles emplissent avec constance et précision mon esprit comme pour me rendre disponible à une autre attention: celle de la beauté du vivant.

Une légère brise soutient l’ardeur incessante des cigales tandis que dans mon esprit s’ouvre d’autres perspectives: devant mes yeux flottent avec élégance un alignement de drapeaux tibétains dont les prières imprimées s’effilochent délicatement au gré du vent; des mots imprimés sur de petits drapeaux de couleurs s’esquissent dans une chaleur vibrante et éclatante de milieu d’après-midi.
alors qu’un petit vent les caresse, les soulève et porte avec légèreté au loin mille promesses de bénédictions vers de mystérieux destinataires.

A quelques mètres de là, trône au centre de cet espace silencieux, un foyer qui sert symboliquement, comme dans un processus alchimique, à transformer l’énergie « lourde » en énergie plus fine. Tout au long des quatre jours et quatre nuits que dure la quête, j’entretiens constamment ce « feu conscient »: un petit feu  continu…ni trop fort, ni trop faible dont le but est de soutenir les Quêteurs dans l’exploration d’eux-mêmes.
Il se dégage de cet endroit, au delà des riches arômes de bois brûlés où se mêlent la fumée d’écorces et de sauge, une ambiance solennelle.