Où et quand commence mon désir? Comment se transforme-t-il pour finalement me quitter? Que reste-t-il du désir après… Autant de questions qui restent posées à chaque fois que je me trouve «désirant».

À en croire Jean Jacques Rousseau « nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux». Qu’en est-il alors de notre désir ? Est-il le Maître de nous-même ou pouvons nous espérer le maîtriser un tant soi peu?

Comment savoir si j’ai du désir?

Comment reconnaître mon envie? Suis-je en contact avec moi quand je désire? Qui a de l’appétit en moi? Qu’est-ce que je veux réellement? Quand le désir n’est pas vraiment reconnu ou senti. I est en quelque sorte dénaturé, dévié voir refoulé, nié et observé comme une pensée. Ce n’est plus un désir mais une «idée». Quand je nie ou refoule mon aspiration, ce que je trouve est alors automatiquement projeté sur un objet …de désir : un bien de consommation, une idée, l’être aimé…

Sentir sa « soif »

Lorsque nous ne sommes pas conscients de nos véritables désirs, que nous ne les visitons pas, nous pourrions aller jusqu’à penser que nous sommes « sans désirs ». Ne pas sentir, ne pas être en relation avec l’espace en nous où naît le besoin conduit à confondre l’objet et le désir lui-même. Par exemple, quand nous entrons en relation avec quelqu’un avec la charge de la libido, nous nouons un lien relationnel spécifique dans lequel le sujet est alors « réduit » à un objet. De son côté, le « sujet » reste avec son propre désir et avec l’intensité de son devenir. Il n’est pas possible de commencer une interaction constructive. Chacun reste avec sa projection, son besoin. C’est pourquoi il est indispensable d’aller à la rencontre de son désir.

Rester en contact avec soi

La voie de l’écologie intérieure suggère de ne pas refouler, ni projeter son désir sur un objet pour ne pas se perdre dans l’objet. Simplement le sentir, rester en contact avec. En prendre soin comme on « entretiendrait délicatement la braise d’un feu» en soufflant légèrement dessus mais sans de laisser s’enflammer ou s’embraser par le feu, au risque de se perdre dans l’ «objet». Pour ne pas perdre contact avec soi, il est nécessaire d’apprendre à sentir et accompagner le désir sans se faire emporter vers son paroxysme. Entretenir le feu, passe d’abord par une relation intime de soi à soi tout en faisant de la place à l’autre. En premier lieu donc, prendre la responsabilité de son propre désir, « le tenir » (au sens de « contention»), s’ouvrir à l’espace du désir.

Le désir cet espace multi-dimensionnel

Puis, simplement être avec son désir sans rechercher l’étape suivante, sans but précis. Réaliser que l’espace du désir n’est pas linéaire, qu’il ne part pas d’un endroit pour arriver à un autre. Il n’existe pas dans le temps et il ne commence pas maintenant pour se terminer dans «une petite mort humide et spasmodique». Prendre conscience qu’il est lui-même espace multi-dimensionnel intense, fluctuant et continu.

Apprendre la contention

Le chemin de sentir notre désir passe par le «tenir» : la contention. C’est-à-dire apprendre à sentir en restant en contact avec soi. Dans cette expérience, le sujet ne perd pas contact avec sa conscience d’être en temps que sujet ni comme sujet en état désirant.

 Suivre notre désir, sans se laisser ni emporter ni envahir par les pensées, les sensations, les émotions parasites. Ne pas se laisser emporter par nos mémoires qui agissent comme des élastiques et nous tirent irrésistiblement vers le passé pour nous projeter violemment dans un futur incertain et souvent ressenti comme «négatif » . C’est seulement dans le présent que nous avons le pouvoir de sentir et de changer. Aussi si nous voulons observer notre aspiration pour en comprendre sa nature, son fonctionnement, ses fluctuations, nous devons nous ouvrir «au présent».

Percevoir le désir dans son corps

Notre attention à la sensation n’est possible que sous forme de «ressentis corporels». Il s’agit de représentations de nos sensations sans cesse comparées à d’autres, enrichies par elles et maintenues isolées du chaos sensoriel qui nous agite. Pour ce faire il faut une attention dirigée à l’endroit de la perception sensorielle dans le corps. C’est à cet endroit-là du corps, que nous pouvons rencontrer la réalité essentielle de ce que nous sommes en présence du désir (sexuel ou autre). Ce ressenti est élaboré à partir de la perception du corps vivant. Il nous communique l’expérience indirecte de nous-même en temps qu’être «vivant désirant» grâce à la tension sensorielle entre notre désir et la pensée de celui-ci. Une pensée qui peu à peu se diffuse et se propage dans l’ensemble de notre corps.

Le sens commun associe la représentation du désir à un élan, un élan dirigé vers quelque chose d’inaccessible, d’où l’ idée qu’il ne peut jamais être satisfait ni comblé. Désirer, c’est comme contempler une étoile lointaine et hors de portée.

Gérard Longuet