Depuis plus de vingt cinq ans, je reçois quotidiennement des patients de tous âges et de tous milieux socioculturels. J’ai pu observer, sentir, évaluer leurs douleurs. Je constate qu’ils sont très exigeants et me demandent de les faire aller mieux tout de suite ! Ils désirent obtenir des résultats durables et ne se satisfont pas d’une amélioration passagère.
En explorant leur corps, je cherche à trouver des solutions efficaces et durables à leurs maux. Dans ma pratique, je me réfère continuellement à un rythme pulsatoire de base que les premiers ostéopathes ont appelé : Mouvement Respiratoire Primaire (MRP). Je préfère l’expression “Onde Vasculaire Accessoire” (OVA) ou vasomotion qui se manifeste comme un flux et un reflux, un gonflement et un dégonflement, un mouvement et un repos.
Cette onde sert de référentiel dans l’ostéopathie. Elle s’exprime au travers de respirations spécifiques mais aussi dans tous mouvements, la danse, dans les massages ou encore dans nos contacts avec la nature. Dans l’écologie intérieure, nous la plaçons au cœur de nos exercices pratiques.
Cette démarche n’a pas d’autre but que de nous faire ressentir le “vivant” en nous. Nous ouvrir à nouveau à l’expérience directe de : je suis vivant, conscient de mon corps, libre et bienveillant à son égard.
En observant mes patients, je constate que c’est la perte de mobilité globale de la posture et celle des différents éléments impliqués dans la constitution du corps, qui créent une réduction de la vitalité.
L’animal, par son mode de fonctionnement, sollicite essentiellement son système neuro-musculaire, avec une capacité de déplacement rapide, élégante et vive. Il ne fatigue pas ses articulations. L’animal est et vit dans le présent, son mouvement est naturel et fluide.
L’homme, en se civilisant, s’est éloigné de son instinct animal et a oublié progressivement ses appuis naturels pour adopter une posture légèrement en retrait de son système neuro- musculaire. Ce léger déplacement du point d’assemblage postural a fait reculer son centre de gravité et augmenter la pression sur son système articulaire.
Le comportement juste pour notre corps serait de revenir à une sollicitation directe du système neuro-musculaire sans surcharge des articulations. En clair, quand nous nous déplaçons, ce sont les muscles qui devraient travailler et non la charpente osseuse.
Cette perte de mobilité musculaire contraint l’homme, d’une part à s’appuyer sur son système articulaire, ce qui est à l’origine de dégénérescences articulaires type arthrose, hernies discales, tendinites… D’autre part, il perd aussi sa capacité à laisser circuler l’énergie dans sa “chair”.
Les conséquences, mises en lumière par le travail de W. Reich1, sont un engrammage des mémoires traumatiques dans le corps.
Le témoignage de mes patients me le confirme : lors d’un choc physique ou psychique, ils sentent instantanément leurs muscles se contracter, leur respiration se bloquer, leur sang se « figer » ou ne « faire qu’un tour ». S’ensuit alors l’apparition de la douleur, aiguë ou sourde. Ils racontent leurs difficultés à se laisser aller ou à traverser ces sensations et ne savent pas toujours comment faire pour se relâcher.
Dans la pratique, en prenant contact avec ces endroits tendus, contractés et douloureux du corps, je peux voir et toucher les points où l’énergie s’accumule comme si elle était figée, solidifiée. Sous mes mains, j’ai souvent l’impression de trouver des zones dont les tissus se sont épaissis, collés aux couches musculaires profondes, dans « ces lieux du corps » où la vie semble endormie.
Quand les fibres musculaires sont immobilisées par les tensions, les fascias deviennent eux aussi raides, si bien que les organes se trouvent également rétractés et congestionnés, laissant apparaître des oedèmes et des stagnations.
Tout comme les chocs, le stress physique et émotionnel, voire notre éducation familiale et sociale, créent une empreinte limitante sur la libre circulation du vivant en nous, réduisant notre capacité de mouvement. Lorsque nous réprimons les manifestations naturelles du corps, les muscles se raidissent, construisant des barrages qui bloquent le flux naturel d’énergie vitale. Pour nous protéger du monde extérieur, nous nous constituons progressivement une protection, et souvent à notre insu, une véritable cuirasse musculaire et caractérielle. Quand cette “armure” de tensions et de charges devient trop rigide, nous perdons aussitôt la capacité à vibrer et à ressentir notre puissance et le plaisir de la vie en nous.
Durant les soins ostéopathiques et dans le travail de mise en place de l’écologie intérieure, nous assistons en direct à la libération de ces zones de tensions musculaires. Cette décharge physiologique laisse ré-émerger la pulsion naturelle de vie et permet de réveiller nos sens, de nous régénérer et goûter la vie avec plus de joie, de plaisir et de fluidité.
Ce travail de guérison passe par le corps, mais aussi, par le cœur. Sans oublier une parole vraie, en lien direct avec le réveil des sens dans le corps tout entier, générant un meilleur « dialogue » entre les deux hémisphères cérébraux.