L’ostéopathie, aujourd’hui presque tout le monde connaît. Nous avons tous dans nos relations quelqu’un qui est près à nous conseiller un bon ostéopathe. Allez, après une bonne petite manipulation bien sentie le tour est joué, c’est réparé !

Mais au fond, cette vision de l’ostéopathie, même si elle n’est pas fausse, n’est–elle pas incomplète et parcellaire ? Une caractéristique première de l’humain, c’est sa capacité à se redresser et à se tenir debout sur ses « pattes » arrières. La recherche d’une bipédie économique dépend principalement de notre capacité à mettre en place un équilibre fluide entre les forces de repoussées du sol et les forces d’ancrage, en dépensant le moins possible d’énergie. L’énergie engagée dans les forces de repoussées pour nous redresser s’exerce du sol vers le haut. Mécaniquement parlant, nous comprenons bien que pour échapper à la gravité et s’ériger, il nous est indispensable d’exercer une force de repoussée du sol matérialisée majoritairement sur l’arrière du corps : de la voûte plantaire puis sur la partie postérieure du corps des talons jusqu’à la base du crâne. En réalité, si pour nous tenir debout, nous ne mettions en œuvre que ces forces postérieures, nous tomberions en arrière ! Pour fixer et équilibrer notre posture debout, nous devons mettre en place des forces antérieures d’ancrage équivalentes .Notre équilibre postural dans la station debout dépendra donc de notre capacité à trouver une « solution » efficace pour transférer ces forces postérieures ascendantes vers l’avant du corps. Elles passeront tout d’ abord par les membranes intra-crâniennes puis progressivement en forces descendantes sur la face, le tractus aéro-digestif, les muscles des cuisses jusqu’à la colonne du pouce à l’ avant du pied. De cette façon, même si cette description reste incomplète, nous voyons mieux comment nous devons, pour maintenir notre posture de bipède, équilibrer en continu de façon fluide nos forces de repoussées du sol et nos forces antérieures d’ ancrage.

Alors, quand j’ai mal au dos, ou que je me fais une entorse, que je me « déplace une vertèbre », ou que j’ai un torticolis, je peux comprendre que ce symptôme s’inscrit dans un déséquilibre de posture et qu’il a son sens dans une incapacité à maintenir une « fluidité » suffisante de cet « équilibre postéro-antérieur ». Le corps reçoit en permanence des informations qui sont normalement métabolisées et suscitent une réponse physiologique adaptée. Certaines informations, même si elles ne créent pas de désordre apparent dans l’instant sont mémorisées et restent inscrites dans les tissus ce qui entrainent progressivement un déséquilibre de l’état de santé. Le corps continue de s’adapter et à fonctionner jusqu’au moment où à la suite d’un choc physique, émotionnel, d’une mauvaise posture, un symptôme ou une pathologie vont apparaître.

L’intention ostéopathique sera donc de rechercher l’information initiale qui en quelque sorte a enrayé le système. Dans l’os frontal à la racine du nez, se trouve une petite crête osseuse appelée « crista gali » sur laquelle s’attache l’extrémité antérieure de la faux du cerveau reliée à la dure-mère, structure extrêmement solide et résistante semblable à un fourreau qui enveloppe la moelle épinière. En suivant cette continuité aponévrotique jusqu’au coccyx, on découvre un lien puissant avec les ligaments sacro-sciatiques qui forment le plancher du périnée et qui s’attachent sur le bassin avec un prolongement jusqu’au péroné puis au pied lui-même. En retour, ces chaînes d’aponévroses partent du pied remontent jusqu’au sacrum qu’elles enveloppent, elles se croisent puis montent le long de la colonne vertébrale jusqu’aux épaules et enfin à la tête. Les continuités aponévrotiques ne se rencontrent pas qu’au niveau musculo-squelettique mais aussi dans les gaines viscérales, le cœur, le foie, le cerveau… A titre d’exemple, l’enveloppe du cœur : le péricarde s’attache au diaphragme. Le diaphragme s’attache via ses piliers aux vertèbres lombaires et à un gros muscle de la taille et de la longueur de l’avant bras : le psoas. Plus bas, il mêle lui-même ses fibres au muscle iliaque qui s’accroche sur l’os iliaque profondément à l’intérieur du bassin jusqu’aux organes pelviens… vessie, ovaires, utérus, prostate. Le péricarde s’attache aussi en avant, sur le sternum et en arrière sur les vertèbres dorsales et se prolonge jusqu’à la sixième cervicale. Le cœur bien à l’abri dans cette enveloppe qui le soutien comme dans un hamac subit néanmoins des contraintes mécaniques dans toutes les directions lorsque nous bougeons en torsion le haut du corps. Dans ce réseau complexe de tissu conjonctif naissent et circulent le réseau capillaire artéro-veineux et le système lymphatique qui participent au processus de défense de l’organisme.

De là, on peut facilement imaginer qu’une vertèbre lombaire ne fonctionne pas toute seule isolée du reste du corps et que le lien avec la gaine aponévrotique du psoas, qui remonte au diaphragme puisse être à l’origine d’une douleur de dos. Il n’est pas rare qu’un effort du dimanche matin, un effort inhabituel même léger ou qu’une émotion forte produise un spasme du diaphragme et de là une irritation d’un nerf au niveau lombaire et se transforme… le lundi en lumbago- plié en deux ! Symptôme(s) et cause initiale apparaissent alors intimement liés permettant d’engager un traitement ostéopathique précis en même temps que global avec la claire intention de régler la cause du déséquilibre sans se perdre dans des faisceaux de symptômes.